Détection précoce du cancer de la prostate

Cat. : Soutien patients

Par le Dr Alexandre Peltier, Chef du Service d’Urologie & le Dr Romain Diamand, Résident

 

La prostate, le cancer le plus fréquent chez l'homme

 

Le cancer de la prostate est le cancer solide le plus fréquemment diagnostiqué et le deuxième plus mortel après celui du poumon chez l’homme en Europe. En Belgique, il représente 7.536 nouveaux cas et 1.525 décès pour l’année 2018 (source : Registre du Cancer).

 

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Incidence des six cancers les plus fréquents chez l’homme en Belgique, 2006-2017 (source : Registre du Cancer)

 

 

Les facteurs de risque

 

Ses principaux facteurs de risque sont l’âge du patient, ses antécédents familiaux et l’origine ethnique, avec une prévalence plus élevée chez les personnes d'origines africo- caraïbiennes.

Le risque de cancer de la prostate augmente avec l’âge et on estime que 60% des cas sont diagnostiqués après 65 ans. Notons que pour cette même tranche d’âge, l’Union Européenne prévoit d’ici 2050 une augmentation de la population d'hommes de plus de 65 ans d’environ 39 millions (source : Eurostat).

 

Le dépistage de masse "oublié" par les Autorités

 

Rappelons qu’un « dépistage de masse » correspond au diagnostic d’une maladie à un stade précoce dans une population cible asymptomatique après avoir eu la preuve de son bénéfice (souvent par diminution de la mortalité associée).

Les dernières recommandations relatives au dépistage du cancer publiées par le Conseil de l’Europe remontent à 2003 et seuls les cancers du sein, du col de l’utérus et du colon sont évoqués.

Plusieurs données récentes sur le cancer de la prostate pourraient cependant amener à la révision prochaine de ces recommandations.

 

Le PSA, marqueur sanguin à suivre

 

Le PSA (pour Prostate-Specific-Antigen) est une protéine sécrétée par la prostate, facilement dosable dans le sang. Son élévation permet de suspecter un cancer à un stade précoce, ce qui a logiquement amené au développement d’études randomisées de dépistage à grande échelle.

 

Réduire la mortalité grâce à un diagnostic plus précoce des patients

 

L’étude européenne ERSPC (pour European Randomised Study of Screening for Prostate Cancer) englobant 182.000 hommes âgés de 50 à 74 ans, a comparé un groupe « dépistage » avec un dosage du PSA tous les 4 ans à un groupe « contrôle » n’en ayant pas bénéficié. Après 13 ans de suivi, la mortalité liée au cancer avait diminué de 21% grâce au dosage du PSA. De plus, cette réduction de mortalité était supérieure à celle associée aux dépistages des cancers du sein et du colon (exprimée en nombre de dépistages nécessaires pour éviter un décès).

L’étude américaine PLCO (pour ‘Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trial’), a quant à elle englobé 76.000 hommes âgés de 55 à 74 ans, comparant un groupe « dépistage » avec un dosage annuel du PSA pendant 6 ans à un groupe « contrôle ». Aucune différence de mortalité ne fut constatée après 17 ans de suivi. Cette dernière étude a cependant été largement critiquée notamment à cause du fait qu’un dosage de PSA avait été effectué chez presque 80% des patients du groupe « contrôle ». L’étude a ainsi été reconsidérée comme une comparaison entre un groupe de « dépistage de masse » et un groupe de « dépistage opportuniste ».

 

Attention au sur-diagnostic

 

Malgré la preuve d’une réduction de la mortalité, la communauté médicale reste divisée par rapport à l’intérêt du dépistage du cancer de prostate. Deux raisons sont le plus souvent évoquées : (1) le risque de sur-diagnostic (i.e. la détection de cancers peu agressifs chez des patients asymptomatiques qui ne souffriront jamais de leur maladie) estimé à 40% en cas de dépistage de masse, et (2) le risque de sur-traitement (i.e. la prise charge de cancers sans réelle preuve d’un bénéfice de survie).

Le désintérêt des autorités de santé en Europe et aux États-Unis pour l’instauration d’un dépistage a malheureusement conduit à de graves conséquences pour le patient. Au Royaume-Uni, 40% des patients nouvellement diagnostiqués ont une maladie avancée ou métastatique. Aux États-Unis, suite aux recommandations en 2012 de l’Agence Nationale de Prévention contre l’usage du PSA, le nombre de patients diagnostiqués à un stade non curable a augmenté entrainant ainsi une augmentation de la mortalité.

Pour remédier à ces deux problèmes, de nouvelles stratégies ont été instaurées dans le but de rechercher et traiter uniquement les patients souffrant d’une maladie agressive et curable.

 

Un taux élevé de PSA doit être accompagné d'examens complémentaires

 

Pour éviter le sur-diagnostic, le PSA doit être considéré en prenant en considération les facteurs de risque précédemment évoqués (âge, antécédents de cancer de prostate dans la famille, origine ethnique afro-caribéenne) et le toucher rectal de la prostate. Sa mesure peut être optimisée par le calcul de sa densité (PSA rapporté au volume de la prostate) et de sa vélocité (évolution du PSA dans le temps).

Une stratégie d’implémentation de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et de systèmes de fusion d’images a permis d’améliorer la détection de cancers agressifs tout en diminuant la détection de cancers peu agressifs.

 

L'Institut Bordet, pionnier grâce au système KOELISⓇ

 

L’Institut Jules Bordet a été pionnier dans ce processus diagnostic depuis de nombreuses années grâce au système KOELISⓇ financé par ‘Les Amis de l’Institut Bordet’. Des calculateurs de risque, intégrant plusieurs paramètres cliniques et biologiques, permettent de mieux sélectionner les patients (calculateurs des études ERSPC et PCPT).

 

De nouveaux biomarqueurs et une stratégie de surveillance 

 

Enfin, de nouveaux biomarqueurs sanguins et urinaires à l’étude permettraient d’encore améliorer la détection de cancers agressifs. Concernant le risque de sur-traitement, plusieurs études randomisées ont récemment validé une stratégie de surveillance pour les cancers peu agressifs (appelée « surveillance active ») sans compromettre pour autant le devenir oncologique du patient.

 

Une attention particulière à la qualité de vie

 

Le diagnostic de la maladie à un stade précoce présente d’autres intérêts moins souvent discutés. Récemment, l’étude Europa-Uomo a fait état de la qualité de vie associée à la prise en charge du cancer de la prostate après l’analyse de questionnaires complétés par 3.000 patients européens.

Il en ressort que celle-ci est impactée quelle que soit la stratégie thérapeutique proposée mais dans une moindre mesure si la maladie est dépistée à un stade précoce et curable.

D’un point de vue économique, la prise en charge d’un patient souffrant d’un cancer localisé ne dépasserait pas les 24.000€  sur une période de suivi de plus de 10 ans (source : Becerra et al. BMC. 2016) alors qu’elle représenterait un coût mensuel jusque 8.000€ pour un patient métastatique et par définition non curable (source : Kreis et al. PharmacoEconomics. 2020).

 

Le dosage du PSA recommandé par la Société Belge d'urologie à partir de 50 ans pour l'ensemble des patients

 

Dans l’attente d’une véritable politique de dépistage à l’échelle européenne et à la lumière des récentes données, l’Association Européenne d’Urologie ainsi que la Société Belge d’Urologie préconisent en 2020 une stratégie de détection précoce chez l’homme informé avec une espérance de vie de plus de 10 ans :

  • Premier dosage du PSA chez le patient à partir de 50 ans (à partir de 45 ans si antécédent familial ou origine Afro-caribéenne, à partir de 40 ans si porteur d’une mutation BRCA2),

 

  • Nouveau contrôle du PSA à 2 ans si le patient présente un PSA >1ng/ml à 40 ans ou un PSA >2ng/ml à 60 ans.

 

Les symptômes urinaires qui doivent vous alerter

 

Malgré la période de pandémie de COVID-19 que nous traversons, une détection précoce du cancer de la prostate reste conseillée.

En cas de symptômes urinaires,

  • sensation de brulure ou de douleur à la miction
  • difficulté à uriner
  • augmentation de la fréquence des mictions
  • besoin d'uriner urgent
  • jet d'urine qui s'interrompt
  • sensation de mal vider sa vessie
  • présence de sang dans les urines
  •  …

une consultation chez son urologue reste bien entendu toujours indiquée, toutes les mesures sanitaires de précaution étant prises.

A noter que le nombre de diagnostics de nouveaux cancers de la prostate a diminué de 15% durant la période du 1er mars au 18 septembre 2020 par rapport à la même période 2019 (Source : Fondation Registre du Cancer).

Source de l'image: https://vitoli.ca/cancer-de-la-prostate-5-choses-que-vous-devez-savoir/